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  Dans une ère où l'industrie cinématographique modèle de jeunes réalisateurs à leur technique, quelques trop rares réalisateurs prônent l'artisanat : moins de budget, moins d'effets spéciaux (synthèse), mais, surtout, être au service de l'histoire !

Lui fait partie de ce cénacle de renégats des temps modernes et, contre tout jugement, se qualifie d'artisan !

 

  Scène 1 - Aéroport international de Bâle / Mulhouse / Fribourg - Extérieur jour :

 

  Se garer à proximité et s'assurer que nous sommes du bon côté (cet aéroport étant le seul au monde à posséder une plate-forme au statut binationale (Suisse-France)), sont les premiers questionnements à gérer.

  Est-il nécessaire de préciser ce qui n'est qu'évidence ? Et bien oui : c'est dans la fébrilité et l'impatience qu'en cette fin d'après-midi ensoleillé nous attendons le maestro...

  Une fulgurante pensée emplie d'humour vient traverser l'esprit :

 Accueillir à l'aéroport le réalisateur de SOS Concorde (Concorde Affaire '79) ! N'est-ce pas l'apogée atteignant le point culminant de l'extrême summum au faîte du comble ! Franchement ? 

  Grâce à la cinquième édition du Festival du Film Fantastique d'Audincourt - Bloody Week-End,  soixante quinze printemps et trois semaines après sa naissance (7 mai 1939) à Potenza (Italie), nous rencontrons l'un des metteurs en scène ayant le plus provoqué la controverse !

Membre du jury de la compétition de courts-métrages présidée par René Manzor (réalisateur : 36-15 Code Père Noël...), l'homme vient honorer de sa présence la manifestation et y présente deux de ses films les plus « juteux Â» durant ces trois jours : Amazonia : La jungle blanche et Cannibal Holocaust (considéré comme l'une des expériences cinématographiques les plus extrêmes).

  Evidemment, sa carrière ne résume pas à ces seuls films : éclectique depuis ses premiers pas aux côtés de Roberto Rosselini dans les années 50, il réalisa des Å“uvres touchants à divers genres : comédie, polar, horreur, publicités...

  Connu surtout pour avoir mijoté et servi chaud en 1980 le savoureusement répulsif Cannibal Holocaust (auquel il « pourrait Â» donner sous peu un petit frère...), l'homme est un bon vivant doté d'un caractère aussi bien trempé que les lames des frères Paul, alias Les Barbarians, dans son « aventureux Â» plus gros budget.

  Anticonformiste qui apprécie de faire retravailler les acteurs avec lesquels il a aimé tourner, connu en France sous le surnom de « Monsieur Cannibale Â», signant certaines de ses Å“uvres du pseudonyme « Roger D. Franklin Â», le metteur en scène de l'une des productions les plus marquantes, mordantes et censurées du 7ème art se livre à nous sous sa véritable identité :.

                                                                                           

 

RUGGERO DEODATO

« Le cinéma doit raconter une histoire ! Â»

  Réalisateur accompli, il peut tout aussi bien diriger une comédie qu'un film d'action, offrant ainsi aux spectateurs tout ce qu'il a de plus personnel, d'intense et de fort en lui à travers des choix originaux.

La chaleur humaine à l'italienne

  Le sourire déposé sur les visages des personnes attendant leurs proches donne l'apparence d'une tranquillité reposante. Mais ce doux moment s'annonce de courte durée car le débarquement approche :

Crachée par les hauts-parleurs, une voix tonitruante annonce l'arrivée de l'avion.

Dès lors, l'aéroport entre en effervescence...

Les visages se contractent, les corps se pressent sur les rubans de sécurité.

Dans le brouhaha grandissant, les yeux hagards volent frénétiquement des écrans d'informations aux portes automatisées...

Le personnel de sécurité se montre plus que présent...

Une goutte de sueur perle sur notre front...

Les mains se crispent...

  Soudain, telle une révélation au couvre-chef élimé reconnaissable, le maître nous apparaît entouré de deux des trois Grâces : sa nièce, la photographe Gabriella Deodato, et de l'actrice Barbara Magnolfi, éternelle Olga dans le film Suspiria de Dario Argento...

- Ah ! Vous voilà ! s'empresse-t-il de nous adresser, ravi de nous reconnaître.

  S'ensuit de vigoureuses poignées de mains avant de prendre ensemble la direction de la sortie.

Considérant certainement l'expression italienne « Traduttore, traditore Â» (Traduire, c'est trahir), il s'adressera à nous tout au long du festival quasi exclusivement dans notre langue.

Une demi-heure d'un voyage teinté de bonne humeur et de discussions variées nous sépare de l’hôtel pour y déposer les affaires. C'est là que le cinéaste, seul, nous glisse dans un sourire son unique « angoisse Â» pour ces trois jours où il est attendu par un nombre conséquent de fans :

- J'espère que les repas sont meilleurs que dans les autres festivals ! Je te le dis, même à Cannes, c'est vraiment... Tu vas écrire ce que je dis ?

- Peut-être, oui.

- Alors écoute bien,  la nourriture là-bas, elle n'est vraiment pas... (raclement de gorge)... très bonne Â» ! (rires)

 Scène 2 - Arrivée festival / Présentation de « Cannibal Holocaust Â» - Extérieur jour :

  Accueilli d'une embrassade par Loïc Bugnon, maître des lieux, Ruggero Deodato s'engouffre à sa suite dans les couloirs menant à la salle de projection...

C'est sous une furieuse ovation que le metteur en scène fait son entrée dans la salle bondée.

  S'emparant du micro, il exprime d'abord sa reconnaissance à l'audience. Puis ce sont quelques anecdotes durant le tournage qu'il dévoile. Enfin, et inévitablement, un retour sur la polémique créée à l'époque et les multiples démêlées judiciaires est de mise.

Faisant suite à une nouvelle vague d'applaudissements, le silence empli la salle plongée dans la pénombre.

Le projectionniste lance le long métrage tournée en 16 mm prêt à fasciner de nouveau.

L'écran illumine chacun des visages.

Captivante dès la première note, la musique de Riz Ortolani envoûte littéralement.

Le film est lancé, les sensations aussi !

  Délibérément hasardeuse, la caméra portée à l'épaule s'engouffre dans la descente aux enfers vécue par les protagonistes. Chute vertigineuse précipitée par une bande son contrastant parfaitement avec les scènes ignobles... Le « documenteur Â» culte ayant ouvert la voie à d'autres tels que Le Projet Blair Witch, [Rec] ou encore Troll Hunter et consorts est, un quart de siècle après sa sortie, de nouveau projeté sur la toile !

  Encore ébaubi à l'issue de la projection, les spectateurs, qu'ils soient néophytes ou avertis, mettront un temps certain à digérer tant les images choquantes que l'impitoyable et farouche critique sociétale révélée...

  Incompris à l'époque, ce film garde cette puissante fougue hypnotisante et persiste à provoquer le questionnement quant à notre condition au sein d'un monde soi-disant acquis. Résonances satiriques, critiques, sociales ou politiques que nous retrouveront en échos dans d'autres Å“uvres également incomprises lors de leur exploitation mais devenues cultes depuis (Fight Club, Starship Troopers...).

Hommage au film rendu par Loïc Bugnon dans « son Â» village Schtroumpf

Scène 3 - Montée sur scène - Salle « La Filature Â» - Intérieur jour :

  Le lendemain, c'est dans l'immense salle des exposants qu'a lieu la cérémonie d'ouverture. Celui qui se dit ignorant des films d'horreur (…) fut ravi de découvrir la scène que les organisateurs ont mis en place en son honneur : Une partie d'un village d'anthropophages, repas compris !

Devant le public massif, les invités/membres du jury se joignent à l'organisateur sur la scène pour prendre la parole à tour de rôle.

Ne perdant pas une occasion de capter l'ambiance joviale, le réalisateur italien se plaît à filmer ce moment à l'aide d'une caméra miniature (qu'il ne lâchera pas un instant).

Prise de parole pour exprimer sa reconnaissance, petite séance photo, et le cinéaste se mêle à la foule pour satisfaire les fans d'un échange, une dédicace voire même une photo.

3 réalisateurs, 3 générations, 3 pays, 3 visions

Scène 4 - Interview - Studio des 3 Oranges - Intérieur pénombre :

  La scène a lieu dans l'obscurité (séance photo du jury oblige).

Lorsqu'il nous aperçoit, l'artiste transalpin converse avec Mike Garris, réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain à qui l'on doit, entre autres, Critters 2, Le Fléau, La Nuit Déchirée...

Nous lui proposons de nous rejoindre au piano patientant non loin. Celui-ci, baigné d'une lumière incertaine s'immisçant entre deux épais rideaux paraît être le lieu adéquat pour l'échange. Soutenue par cette luminosité à l'éclat voilé, l'ambiance s'avère assurée.

 

  Prenant tranquillement possession de l'endroit, l'artiste nous surprend en divulguant une facette inconnue de sa personne : d'un léger et timide effleurement des touches comme le ferait un enfant, il passe soudainement au niveau supérieur en nous jouant un morceau !

Cadeau d'un instant irréel.

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