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  Ayant rencontré l'homme lors de la cinquième édition du Festival du Film Fantastique d'Audincourt, Bloody Week-End , il nous était impensable de ne pas avoir d'entretien avec lui et donc littéralement impossible que vous ne puissiez le découvrir dans ces pages !

Quel fut notre plaisir lorsqu'il accepta l'invitation !

A notre habituelle suggestion (« L'interview se déroulera dans un lieu que vous affectionnez, un endroit qui vous correspond, où vous vous sentez au mieux... Â»), instantanément l'acteur nous répondit :

 

« Chez moi ! Â»

 

 

  C'est donc deux semaines après la manifestation franc-comtoise que l'acteur nous reçoit dans sa demeure parisienne.

  Décontracté et sourire franc, Philippe, l'homme aux 106 films, 12 séries et maintes représentations théâtrales, nous accueille et insiste pour que le tutoiement soit de mise en son antre (pour l'interview, vous en conviendrez, nous préférerons le vouvoiement).

  Dès notre entrée, il nous propose un café. Le temps que celui-ci soit prêt, notre hôte nous invite à le suivre pour une déambulation en sa maison. Ainsi, nous découvrons une fabuleuse collection de chapeaux de toutes cultures et époques. Non loin, simple souvenir de tournage, un portrait photographique de lui-même accompagné par Steven Spielberg. Une pièce adjacente révèle des livres par centaines... Encore d'autres pas et nous découvrons un bureau surveillé par quelques figurines à l’effigie de ses personnages façonnées par des passionnés heureux de lui avoir offert...      

  Les rayons du soleil matinal filtrés par les rideaux de chaque fenêtre finissent d'installer une ambiance chaleureuse.

Plusieurs échanges emplis d'humour plus tard, c'est autour de la table basse du salon que nous savourons notre café et, sereins, commençons l'entretien...

  Philippe, nous allons débuter par le Bloody Week-End V, là où nous nous sommes rencontrés. Vous étiez le Parrain de la cinquième édition de ce festival. Comment votre histoire avec Loïc Bugnon (créateur et directeur artistique de cette manifestation, NDLR) a commencée ?

 

  C'est lui qui m'a téléphoné il y a cinq ans. Il est fan de films de genre et a une collection de plus de 3000 films. Il avait beaucoup apprécié Seul contre tous et surtout Haute Tension. Il m'a donc proposé de faire partie du Festival et d'en être en tant que parrain.

J'y suis allé...

Ils n'avaient pas un rond.

Les gens étaient peu nombreux. Il y avait une salle avec les exposants, puis il fallait aller bien plus loin pour voir les projections... Mais la volonté était là !

  La deuxième année, j'y suis retourné : il y avait un peu plus de monde...

Et là , cinq ans après, je me suis rendu compte qu'il y avait 2200 personnes ! J'ai rediscuté avec Monsieur le Maire (Monsieur Bourquin Martial, NDLR) qui m'a dit :

« Oui, nous allons faire quelque chose ! Â»

Evidemment ! Ils se sont rendu compte qu'il y avait bien plus de monde, que cela prenait de l'ampleur, et donc qu'il fallait les aider parce qu'ils n'avaient rien du tout.

 

« Il y a une vertu dans les regards d'un grand homme. Â»

 

                                                                                              Chateaubriand, Voyage en Amérique.

 

 

 

  Débutée en 1961, son impressionnante carrière devant la caméra le fit côtoyer les plus grands de la profession. Sous la direction de ceux-ci (Melville, Kassovitz, Poiré, Audiard, Besson, Ganz, Aja, Arcady, Spielberg, Noé...) et de plus jeunes auteurs, il éleva ses personnages à un tel niveau qu'il devint adulé par beaucoup. Familier des grosses productions autant que des courts-métrages, il s'est particulièrement distingué pour ses compositions de scélérats, tueurs et autres vilains en tous genres.

  Vu le personnage que nous vous invitons à découvrir, c'est fort d'un entraînement intensif dispensé par l'ancien cascadeur-vedette de la série « Les Feux de l'amour Â», autant dire un vrai dur, que nous rencontrons l'acteur... Et quel acteur ! Une « gueule Â» comme s'accordent à dire les professionnels, un regard, un physique, un timbre de voix, un charisme... Un nom :

 

PHILIPPE NAHON

 Quel est votre rôle dans ce film ?

 

  Je suis un prêtre qui devient évêque à la place du précédent qui a été tué.

 

  Il y a une histoire de meurtre tout de même. Donc ce n'est pas non plus tout rose...

 

  Oooh oui ! Ce n'est pas tout rose, mais vous le savez, la religion non plus n'est pas toute rose !

 

  Selon certains acteurs, il est plus compliqué de jouer dans une comédie que d’interpréter un méchant dans un film sombre. Est-il plus difficile pour un acteur d'accepter un rôle dans une comédie ?

 

  Il est plus difficile de faire rire, c'est sûr ! Mais « accepter Â» un rôle ça, ce n'est pas difficile. (rires)

Moi, par exemple, je crois que je peux jouer n'importe quoi. Dans certains films je fais rire : je ne jette pas mes camarades à l'eau... (rires)

 

  Quelques mots sur votre parcours : comment avez-vous été happé par le cinéma ? Qu'est-ce qui vous a motivé à choisir cette carrière ?

 

  Oh la la... Mais à peine né j'étais déjà comédien ! Je n'avais pas de caméra mais j'avais mon père ! Il m'a appris comment lire une poésie : il ne suffit pas de balancer des mots les uns après les autres... Mon père m'a dit :

 

« Pense au texte, imagine la scène, et puis... Joue-la ! Â»

 

  Je me souviens qu'à 13 ans, on m'a appelé au tableau : Sur l'estrade, devant le prof, j'y allais à fond, j'y étais. J'y mettais déjà du cÅ“ur et de la tragédie !

 

  Aujourd'hui, vous êtes reconnu, célèbre même...

 

  Je fais mon travail vous savez ! Par contre, lorsque vous vous déplacez jusqu'à Cincinnati aux Etats-Unis pour une convention et que vous rencontrez des fans vous exhibant leurs tatouages représentants votre personnage dans tel ou tel film, il faut avouer que c'est assez déstabilisant ! (rires)

 

  Abordons le côté « homme derrière l'acteur Â», ce que les lecteurs de Possibilities Prod désirent découvrir :

Dans plusieurs articles vous concernant on vous qualifie ainsi : « une gueule Â», « le second rôle par excellence Â», « une voix Â», « des jurons bien de chez nous Â»... Alors Philippe Nahon, qui êtes-vous ?

 

  Et bien... La gueule, la voix, les jurons, l'accent titi parisien qu'il faut gommer de temps en temps... D'ailleurs, il y a un copain qui m'a dit : « Toi, tu ne joueras jamais Louis XV ! Â». (rires)

  

  Il y a peu, en nous livrant ses trois villes préférées, Ruggero Deodato énuméra Rio, Hong Kong et Istambul. Paris loin derrière son palmarès...

 

  Je ne connais pas Hong Kong et ne sais pas si j'aimerai. Par contre, je suis allez à Séoul pour présenter Seul contre tous. Mes souvenirs : on ne comprend pas, on est obligé d'être accompagné ! (rires)

 

  Restons sur les sujets de société : Vous avez joué dans des films très forts qui traitent de thèmes assez engagés comme Le Pull-over rouge. Ce film, adaptation du roman éponyme paru un an plus tôt, relate la contre-enquête sur l'affaire Christian Ranucci accusé d'avoir tué une petite fille et condamné à mort et exécuté en juillet 1976...

  Est-ce un choix de votre part de choisir des films à thèmes engagés, comme une façon de faire passer un message ou un moyen de faire réfléchir le public ?

 

  Ah oui ! Je préfère quand même ça plutôt que mon cul sur la commode...

… Comme Franck Dubosc !

D'ailleurs, une fois j'ai refusé un scénario parce qu'il était dedans. Je pense que tous les films doivent avoir un message...

 

  Au Bloody Week-End V, il était très intéressant de suivre Bérengère S. De Condat-Rabourdin lors de ces explications autour de la reconstitution d'une scène de crime. Votre carrière à l'écran étant elle-même jonchée d'histoires de crimes, cela vous aurait-il plu de travailler dans un corps de police ?

 

  Non ! Etant acteur, j'ai la chance de pouvoir toucher l'autre côté, de pouvoir être un truand.

 

  Etes-vous adepte de la « Méthode Â» de Lee Strasberg, qui impose aux acteurs la préparation de leur rôle des mois à l'avance comme Robert de Niro, Harvey Keitel... ?

 

  Ah ça non ! Je ne me vois pas allez derrière les barreaux pour incarner un ex-taulard ! Je lis le scénario, le ressens, apprends les dialogues et l’interprète, voilà.

 

  Qu'auriez-vous aimé pratiquer comme métier si vous n'étiez pas devenu acteur ?

 

  (riresActeur !!!

  J'ai commencé à faire du théâtre quand j'avais 13 ans. D'ailleurs, c'est mon père qui m'y a poussé à savoir réciter les poésies, dire des vers... Nous lisions Cyrano de Bergerac tous les deux. C'était extraordinaire... Et il n'était pas comédien du tout, mais il adorait ça.

Un jour, j'ai tout largué pour pouvoir faire ça. Même s'il n'était pas d'accord, je ne voulais pas non plus vivre à ses dépens, alors, j'ai fait tous les petits boulots qu'on peut faire : carrelage, plâtre, toiture... Puis, j'ai monté des décors, fait de la figuration aussi. Après mon service militaire de plus de deux ans pendant la guerre d’Algérie, j'ai fait Le Doulos, mon premier film...

  Vous irez donc l'année prochaine ?

 

  Je ne sais pas, j'irai l'année prochaine si je le peux... Là, j'étais en tournage ; je me suis débrouillé pour pouvoir être présent.

Tiens, ça me rappelle la première fois : Loïc m'avait appelé le 15 janvier... Puis le 20... De nouveau en février...Et encore en mars... Il me faisait penser à Alexandre (Aja, NDLR) qui insistait à l'époque pour que j'accepte le rôle dans Haute Tension. Alors, au bout d'un moment, j'ai fini par lui dire :

« Okay, ça va, ça va, je viens ! Â»

Il était heureux comme un fou ! (rires)

 

  A la cérémonie d'ouverture, vous aviez dit que, pour une fois, vous jouiez le rôle d'un « gentil Â». Vous aviez insisté sur cela pour ce long métrage...

 

  Ah oui... Oui ! Ce film, Au nom du Fils, les distributeurs l'ont complètement piraté parce qu'ils ont eu peur des cathos intégristes. Ils ont même changé l'affiche !

Dans les 23 salles qui ont bien voulu prendre le film, le circuit Utopia, ils ont fait un autre visuel...

  Revenons aux personnes comme Alexandre Aja qui partent aux USA car là-bas il y a plus de moyens pour réaliser leurs films. Au Bloody Week-End V, le président, René Manzor (réalisateur, scénariste et romancier, NDLR), a dit qu'il fallait tout faire pour garder les gens comme Aja sur le territoire. Mais que peut faire la France pour garder ses talents ?

 

  Bien sûr qu'il faudrait les garder !

Mais pour cela, je ne sais pas. Est-ce le public français qui refuse les réalisations nationales ?

On a vu 36 15 Code Père Noël de Manzor : Il a fait ça et cela n'a pas marché... C'est pour ça qu'il est parti. Mais moi, je pense qu'ils devraient le reprogrammer et les gens iraient le voir. Ils vont bien voir Saw 1, 2, 3... D'ailleurs, il y a un Saw 6 ? (rires)

Haute Tension n'a pas marché en France, et pourtant, il y a Cécile de France et Maïwenn.

Aux Etats-Unis, le film a explosé ! Tout comme en Allemagne et en Espagne où il a bien marché aussi ! Seul contre tous aussi a cartonné, au Japon surtout !

 

  

  Philippe Nahon, y a-t-il un projet personnel que vous aimeriez réaliser, quelque chose qui vous tient particulièrement à cÅ“ur ?

 

  (Songeur, son regard aux lueurs clairs appuyé d'un sourire en coin fait office de réponse...) 

 

  Pouvez-vous nous faire part d'une citation ou anecdote que vous affectionnez ?

 

  Oui, bien sûr :

A la sortie du cinéma, on demande à un enfant s'il a aimé le film qu'il vient de voir et son personnage principal. L'enfant répond :

« Il n'a pas la même voix que dans le livre ! Â»

 

 

 

***

 

 

  A l’échelle de l'industrie cinématographique mondiale et son passé, peu d'acteurs laisse une trace durable et profonde dans nos mémoires.

Les rôles de Philippe Nahon, eux, portent la marque de notre siècle ; son histoire, quant à elle, nous renvoie indéniablement à celle d'un homme d'aujourd'hui...

Une vie ! Avec ses hauts et ses bas, celle qui construit, qu'il faut affronter et/ou sublimer...

 

  Ce prodigieux moment passé ensemble, plutôt que de dévoiler frontalement le côté sombre d'un personnage dont l'image publique impose sa part bourrue, caractérielle et violente, dévoila un homme à l’œil vif et pétillant de malice, passionné, ouvert et généreux.

Toujours à l’affût d'un bon mot, le comédien au franc-parlé reconnu nous gratifia de cette entrevue « quatre étoiles Â» qui rappelle aussi que les acteurs jouent des rôles et, nous avons la fâcheuse tendance à l'oublier, vivent leurs vies...

 

 

Philippe, pour cela aussi nous vous remercions !

Propos recueillis par Yaël Nemni & Sam Soursas

Texte et photographies par Sam Soursas

  Merci Philippe Nahon de nous avoir reçu chez vous et accordé ce moment !

 

  Le plaisir fut pour moi, merci à vous !

  Titi parisien, justement... Vous êtes un amoureux de la Ville Lumière n'est-ce pas ?

 

  Ah bah oui ! J'adore même ! Titi oui, j'y suis né la veille de Noël 1938. C'est la plus belle ville au monde ! J'aime beaucoup Rome, Londres, New York, mais je trouve que Paris c'est... Voilà ! Au printemps, je m'arrête quelques fois sur les Quais à la tombée de la nuit pour regarder la Seine. Je trouve ça extraordinaire !

  Voyages aux quatre coins de la planète... Cette année est marquée par la Coupe du Monde de football, êtes-vous supporter ?

 

  Alors là, pas du tout ! Il n'y a plus de sport, il y a trop de pognon. Le sport disparaît derrière le pognon. Puis ils vont mettre le feu aux Champs Elysées parce qu'ils ont gagné, ou parce qu'ils ont perdu... Ça veut dire quoi ?

  Seul contre tous, avec le recul que pensez-vous de cette Å“uvre ?

 

 Justement, je l'ai revu récemment et me suis fait la réflexion que je ne me suis pas vu, moi. Je voyais le personnage. C'est un très beau film, peut-être même mon préféré. Mon rôle favori aussi.

   Très joli et profondément touchant...

Vous nous recevez un samedi et nous vous en remercions infiniment !

En temps normal, à quoi ressemble un week-end chez Philippe Nahon quand il ne travaille pas ? Le temps libre, pour vous, c'est quoi ?

 

  Le temps libre c'est une vie un peu plus familiale. Je ne sais pas si je dois vous le dire mais...

Par exemple, pour tout vous avouer, ce soir il y a des copains qui viennent et on va jouer au poker. On va se marrer jusqu'à 2 heures du matin. On hurle de rire ! Ce sont des potes, le même groupe depuis des années !

 

 

DESIGNED BY ANNELISE LADOUE & SAM SOURSAS

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